avr
13
2017

Tristes récits d'étudiants en mal de ressources

Faute de moyens, l'Université de Bujumbura ne prend plus en charge ses étudiants ni pour le logement ni pour les repas, se plaignent les concernés.

A Mugoboka, Nyakabiga ou encore à Bwiza, quartiers populaires, avoisinant les campus de Mutanga et Kiriri en mairie de Bujumbura, des maisons délabrées sont de plus en plus squattées, par des étudiants en mal de ressources.

Faute de moyens, l'Université ne prend plus en charge ses étudiants ni pour le logement ni pour les repas, se plaignent les concernés. «Nous préférons ce quartier de Nyakabiga car il est situé tout près des campus, nous y allons à pied mais c’est dur, vu que nous n’avons presque rien à manger», déclare a Anadolu Philippe Niyongabo, étudiant en première année à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines au Campus Mutanga, à Bujumbura.

Pour se nourrir, payer le loyer et d’autres besoins de la vie courante, chaque étudiant se débrouille avec une "modique" bourse du gouvernement équivalant à 30 mille francs burundais, soit près de 12 dollars par mois. "Nous avons à peine un repas par jour et c’est toujours de la pâte de manioc et des haricots", se lamente Nadine Karikurubu, étudiante en 2ème année à l’Institut de Pédagogie Appliquée (IPA).

Les bars et restaurants au secours des étudiants

L’année dernière, l’Université du Burundi avait évoqué des contraintes budgétaires pour supprimer le petit déjeuner, habituellement offert, aux étudiants.

Pour se procurer, ne serait-ce qu'un deuxième repas par jour, certains étudiants se mettent dans des petits emplois à mi-temps, notamment dans les sociétés de gardiennage. «J’étudie le jour et la nuit je fais le veilleur chez un privé qui me paie 50 mille francs (20 dollars environ), j’ai d’autres amis qui font la même chose », déclare a Anadolu Marc Nizigama, étudiant en Biologie. Il reconnaît "rater parfois des cours à cause de la fatigue".

Quant aux jeunes filles, elles se font embaucher comme serveuses dans les bars et restaurants de Bujumbura pour compléter leur maigre bourse. Ces difficultés financières impactent également le rendement des étudiants, souvent dans l'impossibilité de se procurer les manuels et de photocopier ( à leur frais) les documents nécessaires. « Nous avons une vingtaine de cours, imaginez ce que cela coûte pour avoir leurs copies», fait remarquer, dans une déclaration à Anadolu, Immaculée Nahayo, de la Faculté des Sciences.

Toutes ces difficultés finissent par pousser plus d'un à quitter définitivement les bancs de l'Université pour trouver un moyen de survie durable. «Que peut-on attendre d’un étudiant qui évolue dans de telles conditions si ce n’est que l’échec?», s'interroge Félix Nahayo, professeur à la Faculté d’Economie et de Gestion où le taux de réussite oscille autour de 30% en première session, contre 70% avant la crise.

La situation s’annonce encore plus difficile pour ces étudiants avec la transformation de cette bourse en prêt-bourse. En effet, le Chef de l’Etat, Pierre Nkurunziza, a signé début février 2017, un décret qui transforme la bourse en un prêt que chaque étudiant doit s’engager à rembourser après ses études.

 Le poids des services sociaux, justifie le gouvernement

Les étudiants des institutions publiques s’y opposent farouchement et ont décidé d’engager un bras-de-fer en vue d’obtenir son abrogation. Premiers à engager le bras-de-fer, les 3.000 étudiants de l’Ecole Normale Supérieure du Burundi ont lancé une grève illimitée, le 24 mars. Plus de 11.000 autres étudiants de différentes facultés/Instituts de l’Université du Burundi (UB) leur emboîtent le pas. Quelques 170 de leurs délégués ont, quant à eux, lancé un ultimatum au président Nkurunziza, dans une lettre qu’ils ont rendue publique.

Ils lui donnaient jusqu’au 4 avril pour abroger son décret sinon, menaçaient-ils, ils vont «suspendre toute participation aux activités académiques, dès le 5 avril ». Cette grève est déjà en cours depuis une semaine. Elle a été anticipée en raison des arrestations en cascade des étudiants signataires de la lettre adressée au résident.

Le chômage et le faible niveau des salaires dans la Fonction Publique burundaise (moins de 100$ pour un titulaire de Bac+3) préoccupent les étudiants obligés de contracter ce prêt-bourse.

Les enfants issus des milieux aisés fréquentent les universités ou les instituts privés. Le Burundi comptant aujourd'hui plus d'une vingtaine d'universités privées avec un effectif de près de 20.000 étudiants.

Créée en 1964 avec au départ 53 étudiants, l'Université du Burundi compte actuellement plus de 14 000 étudiants répartis dans huit facultés (sciences, droit, médecine, psychologie et sciences de l’éducation, sciences de l’ingénieur, sciences économiques et de gestion) et trois instituts (Institut supérieur de commerce, Institut de pédagogie appliquée, Institut de l’éducation physique et des sports).

Les enseignements sont souvent perturbés par les grèves des étudiants qui réclament une augmentation de la bourse. Dénommée en kirundi «Rumuri» qui veut dire «flambeau», cette unique Université publique du Burundi risque donc de voir sa flamme s'éteindre si rien ne change. L’enseignement supérieur a été libéralisé depuis 1999, avec la création de l’Université privée de Ngozi, à 130 km de Bujumbura au nord du Burundi.

AA/Bujumbura

 

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