nov
01
2017

Un couvre-feu qui ne dit pas son nom

Les habitants de la zone Gatumba dénoncent des mesures de sécurité freinant leurs activités génératrices de revenus. L’administration parle de mesures prises dans la concertation.

 

 « Je travaille à perte depuis septembre. Ma clientèle a presque disparu à cause de l’interdiction de circuler au-delà de 21h », martèle un propriétaire de bistrot au quartier Mushasha. Avant cette mesure, explique ce père de 5 enfants, il vendait plus de 10 caisses de primus le soir. Mais actuellement, il ne parvient même pas à en écouler deux. « La plupart de mes clients sont des fonctionnaires et arrivent au bar vers 19h. Mais depuis cette mesure, ils consomment moins et rentrent tôt afin d’éviter des problèmes. »

Zone Gatumba de la commune Mutimbuzi. Boutiques et autres commerces sont ouverts en cette matinée du mois d’octobre. Taxi-vélos et taxi-motards font la navette, déposant des passagers à la frontière avec la RDC, à quelques deux kilomètres de là.

Toutefois, à la tombée de la nuit, la situation change. Il s’observe moins de circulation et de passants sur le principal axe routier. Interdiction aux taxi- vélos et taxi-motards de circuler au-delà de 18h. Lieux de culte, bistrots, salle de projection de films doivent fermer à partir de 19h. La mesure est en vigueur, depuis septembre 2017. Tout a commencé avec les attaques d’un groupe de bandits sur des positions militaires qui avaient fait deux victimes, d’après le colonel Gaspard Baratuza, porte-parole de l’Armée.

Le règne des comités mixtes de sécurité

Depuis, la sécurité a été renforcée et est assurée par des militaires et policiers en collaboration avec des membres des comités mixtes de sécurité. Ces jeunes, dont la plupart sont des démobilisés, règnent en maîtres aux heures du soir, accuse une vendeuse de tomates. « Il y a une semaine, ils ont battu un certain Claude, policier à Kirundo, qui séjournait chez lui parce qu’il se trouvait tout simplement dehors vers 22h. » Personne n’a levé le petit doigt, malgré la présence des policiers.

Pire, accusent les habitants, ces jeunes se cachent derrière les arbres ou bien dans l’ombre et s’attaquent aux passants en leur soutirant de l’argent, s’ils ne sont pas à l’intérieur de leurs maisons à 21h. « C’est à se demander si Gatumba n’est pas sous un couvre-feu qui ne dit pas son nom, alors que le ministre de la Sécurité a déclaré dernièrement que la paix règne sur tout le territoire national. »

Bien plus, ces habitants dénoncent une taxe de sécurité que ces jeunes leur exigent de payer : « Chaque ménage verse entre 500 et 2000 Fbu. On nous explique que cet argent aide les comités mixtes de sécurité pour leurs fonctionnements quotidiens. »

Des mesures prises dans la concertation

Hussein Ntahetwa, chef de zone, reconnaît la perception de cette taxe, mais parle de 300 Fbu par ménage : « Cette somme n’est pas énorme et elle est utilisée pour l’achat des cartes de recharge de téléphones pour ces jeunes qui passent la nuit dehors en train d’assurer notre sécurité. » Et d’expliquer que ces mesures ont été prises en concertation avec la population.

Concernant le harcèlement et la brutalité de ces jeunes, le chef de zone parle de propos mensongers véhiculés par ceux qui veulent salir l’administration de Gatumba. Interrogé sur le fait que sa zone est sous couvre-feu, Hussein Ntahetwa réfute, mais explique qu’il s’agit tout simplement de mesures préventives.

Toutefois, lors d’une réunion de sécurité, lundi 16 octobre, Nadine Gacuti, gouverneur de Bujumbura, a assuré que la sécurité règne dans les neuf communes que compte la province Bujumbura, la zone Gatumba y compris.

http://www.iwacu-burundi.org

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