juin
09
2015

Burundi : Yves Nitunga, témoignage d’un manifestant

Il est parmi plusieurs jeunes qui fréquentent régulièrement la rue contre le troisième mandat du Président Pierre Nkurunziza. Après une quarantaine de jours, Yves Nitunga, âgé de 22 ans, nous partage sa pensée, ses craintes,  et les effets de ces manifestations sur sa vie d’élève.

Yves Nitunga vit à Mutakura. Pendant ces jours, il devait se rendre régulièrement à son école pour boucler l’année en commune Kinama et décrocher son diplôme des Humanités techniques en électronique. C’est là que je le retrouve, après une brève lessive vers 12h, assis près de sa mère. Son grand frère Patrick vient de se réveiller après une nuit de ronde.

Justement ces rondes sont devenues obligatoire selon Yves Nitunga : «  Nous organisons 4 équipes chaque soir, qui se relaient de 21h à 06 h du matin. Si vous devez vous absenter, vous le justifier. Au cas contraire, vous payer 5.000 frbu d’amande. Nous passons ces rondes avec des gens qui achètent de la bière pour éviter de dormir. Et nous la partageons. »

Yves avait arrêté de boire, il y avait deux mois avant ces manifestations contre le troisième mandat. Aujourd’hui il se livre à cœur joie à la bière en puisant son excuse dans l’oisiveté dans laquelle il se sent victime. Certains jeunes qui ne supportent pas les rondes ont quitté Mutakura, pour vivre ailleurs, précise notre interlocuteur.

Entre le maintien  du 3ème mandat et  reprendre les études, il choisit avec des réserves : « Bien sûr que je devais retourner à l’école peu importe que Pierre Nkurunziza poursuive son dessein. Mais si je quitte Mutakura, mes camarades d’école me pointeront du doigt et je pourrai même risquer ma vie. »

Ce réflexe vient des remarques de certains de ses amis, qui continuent à étudier au Lycée Technique de Carama, qui lui rapportent entendre qu’il est toujours présent dans les manifestations. Des propos qui ne le laissent pas indifférent, l’impose de prendre ses gardes et formuler ses propositions aux allures d’un politicien : «  Que le pouvoir désarme les Imbonerakure à la solde du parti CNDD-FDD, et assure  la sécurité pour tous. »

Il dit avoir vu à plusieurs reprises des jeunes qui ont des grenades et fusils entre Cibitoke et Kinama, qui arrêtent des gens qu’ils soupçonnent impliqués dans les manifestations.

Si la sécurité importe plus pour Yves, il est aussi écœuré par le comportement de la police : «  Ils ont tiré une balle qui a transpercé le crâne d’un manifestant situé près de moi et il en a succombé sur le champ. D’autres ont été tiré sur les jambes. Un policier m’inspire directement la mort. »

Pour Yves Nitunga, ces jours  de manifestations sont gravés dans  son âme et esprit et au sortir de la crise, ils l’auront transformé en un élève peu ordinaire.

Pacifique Cubahiro, pour Infos Grands Lacs 

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