mai
09
2022

Coup d’arrêt à l’escorte policière à tout-va

Mercredi 27 avril, le ministre en charge de la Sécurité publique a annoncé le retrait de tous les policiers affectés à la protection de certaines personnalités de l’Etat. Une mesure qui, selon un expert en sécurité, doit s’accompagner d’un cadre légal.

Par Abbas Mbazumutima et Alphonse Yikeze

Au cours d’une rencontre avec les nouveaux cadres nommés par décret, le ministre Gervais Ndirakobuca a précisé qu’il y aura des exceptions, cette mesure de retrait des policiers chargés d’assurer la sécurité des certaines autorités ne concernant que les personnalités dont la sécurité n’est pas en danger.

« Nous avons pris la résolution qu’il n’y aura plus de policiers chargés de la protection de certaines personnalités, ils vont rejoindre les casernes avec leur matériel. C’est pour que ces camps fassent un suivi en cas d’affectation. Il faut que nous sachions en cas de déploiement, leur provenance et leur poste d’attache », a-t-il martelé.

Selon le ministre Gervais Ndirakobuca, le constat est qu’il y a beaucoup de policiers chargés de la sécurité de certaines personnalités alors que leur affectation n’est pas claire, ce qui rend leur contrôle assez difficile.

D’après le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, cette décision intervient dans le but de permettre que ces policiers fassent leur travail « au lieu de rester cloîtrés dans les résidences de ces autorités ».

Mercredi 27 avril, le ministre en charge de la Sécurité publique a annoncé le retrait de tous les policiers affectés à la protection de certaines personnalités de l’Etat. Une mesure qui, selon un expert en sécurité, doit s’accompagner d’un cadre légal.

Par Abbas Mbazumutima et Alphonse Yikeze

Au cours d’une rencontre avec les nouveaux cadres nommés par décret, le ministre Gervais Ndirakobuca a précisé qu’il y aura des exceptions, cette mesure de retrait des policiers chargés d’assurer la sécurité des certaines autorités ne concernant que les personnalités dont la sécurité n’est pas en danger.

« Nous avons pris la résolution qu’il n’y aura plus de policiers chargés de la protection de certaines personnalités, ils vont rejoindre les casernes avec leur matériel. C’est pour que ces camps fassent un suivi en cas d’affectation. Il faut que nous sachions en cas de déploiement, leur provenance et leur poste d’attache », a-t-il martelé.

Selon le ministre Gervais Ndirakobuca, le constat est qu’il y a beaucoup de policiers chargés de la sécurité de certaines personnalités alors que leur affectation n’est pas claire, ce qui rend leur contrôle assez difficile.

D’après le ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, cette décision intervient dans le but de permettre que ces policiers fassent leur travail « au lieu de rester cloîtrés dans les résidences de ces autorités ».

Eclairage / Gérard Birantamije : « Il faut un cadre légal »

Le professeur d’université et spécialiste des questions de sécurité estime que la décision du ministre en charge de la Sécurité publique va permettre de repenser la restructuration de la police et du travail de la police.

Comment évaluez-vous la décision du ministre ?

Dans l’hypothèse que cette mesure sera observée et mise en œuvre, je vois deux avantages et un inconvénient.

Le premier avantage est qu’elle va permettre de repenser la restructuration de la Police et du travail de la Police. Dans un audit que le projet de professionnalisation de la police avait mené dans les postes de police pilotes du projet, l’audit mettait en exergue le fait qu’un agent de la police n’a pas de travail planifié, que parfois il ne savait pas ce qu’il allait faire le lendemain.

C’est un passage anodin mais qui en dit long. Le fait que des policiers s’adonnent joyeusement à l’escorte de différentes personnalités, tel le chef de colline, tel le commerçant du coin, tel autre le chef local du parti, n’est pas moins un signe d’oisiveté. Bien évidemment d’autres facteurs comme le salaire, la pauvreté… justifieraient ce type d’attrait. Donc si la mesure est prise au sérieux, elle va permettre de dégager des effectifs importants qui vont être mis à la disposition des citoyens.

Le deuxième avantage est que la mise en œuvre va donner lieu à une disposition légale. Cette dernière va permettre d’en savoir plus sur les droits, sur les dangers qui peuvent motiver cette demande de protection personnelle ainsi que la contrepartie si le service est donné par exemple aux acteurs privés ( un homme d’affaires, une autorité religieuse, un étranger, etc.).

Bref, c’est une carence de cadre légal régissant cette activité policière qui donne lieu à des pratiques que l’autorité gestionnaire de la police peine à contrôler.

Qu’est-ce qui explique un tel vide juridique ?

Cela remonte à la création de la police nationale. C’est comme si la mauvaise pratique décriée a été déjà institutionnalisée. Dans mes recherches de la décennie 2010 sur la réforme de la police, j’avais montré que l’escorte policière était une pratique assez moins réglementée et qu’elle posait d’énormes problèmes de gestion des effectifs, qui par ailleurs demeuraient assez moins précis, le recensement effectué avec l’appui de l’International Center for transitional Justice(ICTJ) ayant été quasiment un fiasco.

En substance, que le problème se pose en 2022, c’est encore plus compréhensible si on fait une translation sur l’axe du temps. D’une part les recrutements ont continué mais ont visé beaucoup plus la catégorie des officiers, d’autre part, il y a eu des départs à la retraite et des décès, et enfin la crise de 2015 a sans doute chambardé les schémas de gestion de ressources humaines, avec la création de nouvelles unités spécialisées ou encore les problèmes de doublon dans le commandement qui ont été observés et décriés.

Mais au-delà, la question de qui bénéficie d’une escorte policière se pose avec acuité. Il en est de même de celle de la garde des habitations des dignitaires. Il n’y a pas de cadre légal qui le précise, sauf pour les sommets de l’Etat. Et je pense qu’il ne s’agit pas de ceux-là que le ministre évoque dans sa dernière sortie.

Cela est d’autant plus grave que certains crimes qui se commettent tels que les cambriolages et les vols à main armée sont de plus en plus imputés à la police. Les criminels sont en tenue policière et parfois se déplacent avec des véhicules connus pour être ceux de la police. Il est donc légitime que le ministre sorte de ses réserves, mais encore faut-il qu’il ne se limite pas aux paroles prononcées.

Il faut un cadre légal qui montre dans quelle circonstance une autorité, de la base au sommet, peut faire recours aux services de l’escorte policière. Sinon, comme le dit l’écrivain Emmanuel Bove : « Il n’y a rien de plus trompeur que la bonne intention, car elle donne l’illusion d’être le bien lui-même.»

N’y aura-t-il pas des effets sur les autorités qui se verront retirer leur escorte policière du jour au lendemain ?

En revanche, si l’escorte policière serait liée à l’insécurité rampante que l’autorité peine à assumer, le retrait va avoir un effet sur la psychologie des acteurs et des autorités jusqu’ici protégés individuellement par la police. L’histoire nous montre qu’en de telles circonstances ce genre d’acteurs se rabat à la sécurité privée. Or, cette dernière n’est pas structurée au Burundi pour offrir les mêmes services que ceux recherchés à la police, notamment le port d’armes qui reste tout de même un facteur de dissuasion qu’on est bien protégé. Ce qui chemin faisant, ouvre la vanne à l’armement ou au réarmement des populations civiles, du moins ceux qui le peuvent.

https://www.iwacu-burundi.org/coup-darret-a-lescorte-policiere-a-tout-va/

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