oct
02
2018

Fabien Banciryanino : «J’ai promis la vérité au peuple burundais»

Il est parmi les rares parlementaires pouvant tenir tête aux ministres au cours des séances des questions orales à l’Assemblée nationale. Ce député élu dans la circonscription de Bubanza pour le compte de la Coalition Amizero y’Abarundi n’a pas la langue dans sa poche. Rencontre avec cette «voix de stentor» de l’hémicycle de Kigobe.

Au Palais des congrès, vous faites ce que les autres n’osent pas: dénoncer. Etes-vous un héros ?

Je suis plutôt un citoyen qui occupe une fonction de porte-parole du peuple. Un citoyen qui doit dénoncer tout ce qui ne marche pas dans le pays. Et bien sûr parler de ce que les Burundais font de bon. Donc, je fais mon travail. Je ne suis pas du tout un héros.

Pour vous, que doit être le rôle d’un parlementaire ?

Son rôle est de représenter valablement le peuple qui l’a mandaté et sans aucune inquiétude.

Et c’est ce qui se passe à l’hémicycle de Kigobe ?

Pas du tout. Partout dans le pays, il y a des gens qui sont malmenés, torturés, emprisonnés arbitrairement, bref, victimes de toutes sortes d’injustices et d’abus. Mais certains représentants du peuple se taisent. Ils n’osent pas parler. Je ne sais pas pourquoi.

Dernièrement, la ministre de la Justice a demandé, à demi-mot, que votre immunité soit levée. Cela ne vous fait pas peur?

Cette sortie du ministre de la Justice m’a fait peur. Dans un Etat de droit, je ne m’inquiéterais pas. De par la Constitution, dans son article 154, l’Assemblée nationale contrôle l’action du gouvernement.

Quand un ministre vient au parlement, il doit s’attendre à toutes les questions. Il doit être conscient qu’il répond au nom du gouvernement devant les élus du peuple.

Les menaces concernant la levée de mon immunité, avec les applaudissements de certains de mes collègues, m’ont montré qu’ils ne veulent pas que la réalité soit connue sur le Burundi.

Même si je n’avais pas de preuves, la ministre ne pouvait pas me parler de la sorte. C’est purement du déni parce que je ne suis pas de sa formation politique et qu’à l’Assemblée nous sommes minoritaires.

Aviez-vous des preuves à ce moment ?

J’avais fait mon travail. Il y a des personnes qui croupissent toujours en prison alors qu’ils ont été acquittés ou qu’ils ont déjà purgé leurs peines. Le lendemain, je lui ai donné la liste de toutes ces personnes avec leurs dossiers.

J’ai ouï dire qu’il y a une trentaine de personnes qui ont été libérées. C’est une bonne chose. J’ai encore d’autres listes que je vais lui soumettre prochainement. J’espère qu’elle va continuer dans cette voie.

«Icihebe» (suicidaire) ; «Vous êtes parmi ceux qui rédigent ces rapports » ; «On t’a donné combien ?» Que vous inspirent ces mots du président de l’Assemblée nationale ?

Les accusations du président de l’Assemblée nationale me mettent en danger. Depuis cette déclaration, des gens appellent dans une émission d’une radio locale pour demander pourquoi je suis encore libre.

Pour tout vous dire, je ne cesserai jamais de dire la vérité. Je le ferai jusqu’à mon dernier souffle. Quitte à mourir pour ça. C’est ce que j’ai promis au peuple burundais.

Quelle est la situation des droits de l’Homme dans la province Bubanza ?

A Bubanza comme dans toutes les provinces, les droits de l’Homme ne sont pas respectés. Les citoyens ne vivent pas paisiblement. Ils sont persécutés le jour comme la nuit. J’ai même écrit au gouverneur de Bubanza et au procureur pour les informer du comportement des Imbonerakure. C’est comme s’ils étaient en passe de remplacer les forces de l’ordre.

Il y a des assassinats rapportés ici et là, des cas de tortures aussi. Et les Imbonerakure sont cités. Malheureusement, le parquet ne se saisit pas pour ouvrir des dossiers et déférer les coupables devant la justice.

Auriez-vous un message pour vos collègues parlementaires ?

Je leur demanderai de se départir de leur casquette politique et ethnique afin de parler vraiment pour le peuple. Il faut qu’ils sachent que tous les citoyens sont égaux devant la loi.

Et pour les autorités burundaises ?

Elles doivent savoir qu’elles sont au service des Burundais et de les traiter au même pied d’égalité. Tout en respectant la loi, bien sûr.

Que dire à la jeunesse burundaise ?

Les jeunes doivent avoir l’amour du pays. Qu’ils évitent de prêter oreille aux politiciens véreux qui veulent les entraîner dans un gouffre. Ils doivent être conscients qu’ils ont un avenir commun et œuvrer pour le développement. Pour y arriver, il faut un respect mutuel malgré leurs diversités politiques et ethniques.

iwacu-burundi.org

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