jui
12
2022

Interview exclusive avec le Commissaire général des migrations :« Notre seul problème, c’est le nombre des demandeurs qui va croissant »

Retard dans l’octroi des documents de voyage, dessous-de-table constamment rapportés pour accélérer les procédures, traitement de faveur pour certaines personnes, rupture de stocks des documents de voyage, etc. Un mois après avoir soutenu que dorénavant tout aller rentrer dans l’ordre, le constat est qu’il reste encore du chemin à parcourir. Le Général major Maurice Mbonimpa s’explique.

Les gens ne cessent de se plaindre par rapport au temps d’attente pour avoir les documents de voyage. Qu’en dites-vous?

Ces plaintes sont peu fondées. Au moment où je vous parle, la main droite sur le cœur, je peux certifier que nous n’avons pas de problème à pouvoir servir les personnes. Actuellement, notre seul souci, c’est le nombre des demandeurs qui va croissant. Je pense que vous avez remarqué combien il est difficile de se frayer un chemin.
C’est un sacré défi parce que nous ne pouvons qu’accueillir entre 250 et 300 dossiers par jour des personnes désireuses d’avoir un passeport ordinaire ou un laisser-passer. Or, depuis peu, c’est plus de 450 voire 600 personnes qui se présentent au quotidien au Commissariat général des migrations (CGM) pour demander soit un passeport ordinaire soit un laisser-passer.
Vous comprenez donc que cette situation, ne peut engendrer que de la frustration.

Qu’êtes-vous en train de faire pour remédier à ce problème ?

Pour éviter de pareils désagréments, nous avons dû adopter une stratégie. Sur chaque formulaire d’enregistrement, il est inscrit la date de dépôt de tout le dossier. Dorénavant, toute personne qui se présente au CGM pour demander n’importe quel type de document de voyage est certaine de ne pas rentrer bredouille. Si elle a le formulaire d’enregistrement, elle est certaine qu’en deux ou trois jours, elle peut revenir finaliser toutes les procédures (paiement, prise d’empreintes, etc.) Après deux ou trois jours, elle reviendra récupérer son passeport ou son laisser-passer.

Toutefois, toutes les personnes interrogées sont unanimes. Elles disent qu’avoir ce formulaire est un casse-tête…

Nous avons dû mettre les bouchées doubles pour éviter que des gens véreux n’en fassent pas leur fonds de commerce. Dans certains quartiers, on nous rapportait que ce formulaire se vendait comme des petits pains, or ce document est gratuit. C’est pourquoi, il existe un certain contrôle quant à son octroi. Du reste, nous avons dû ajouter certains insignes.

Dernièrement, vous avez évoqué la difficulté d’avoir les petits cahiers qui aident dans la confection des documents de voyage. Qu’en est-il de la situation actuelle ?

Aucun problème. Nous avons les stocks nécessaires pour mener à bien notre travail. Le défaut d’approvisionnement n’était dû qu’à la finalisation des procédures administratives avant notre reprise en main de tout le schéma de production. Je pense que vous n’êtes pas sans savoir que c’est désormais le gouvernement qui confectionne les documents de voyage.

Des gens qui bénéficient de traitement de faveur. Votre commentaire ?

Les gens oublient que la direction du CGM comprend plusieurs services. Lorsque qu’une personne entre dans un des bureaux, elle ne cherche pas nécessairement un document de voyage. Elle peut être en train de demander un visa de séjour, une autorisation de sortie, etc. A ma connaissance, lorsque pareille situation survient, dans la plupart des cas, ce sont des personnes qui ont des urgences, comme des personnes en attente d’être transférées, possédant des commissions médicales, des étudiants en standby, attendant de parfaire leurs études à l’étranger. Il peut aussi y avoir d’autres cas spéciaux. Par exemple, une maman de 65 ans ne peut pas faire la queue.

Des témoignages concordants pointent du doigt la corruption qui se serait érigée en règle. Il serait presque devenu impossible d’avoir un passeport sans avoir graissé la patte. Votre réaction ?

L’on ne peut pas nier que de pareils cas isolés ont existé. Mais je peux vous assurer qu’aujourd’hui, cette pratique a disparu. Souvent entretenue par certains agents de police ou d’autres personnes qui assuraient l’intermédiation, nous avons dû utiliser les gros moyens pour les combattre. Plusieurs ont été attrapés, et incarcérés à la Police Judiciaire(PJ). Il y en a même qui ont été transférés à la prison de Mpimba. Et ce, en fonction de la gravité de leurs délits.

De surcroît, dans l’optique de combattre ce fléau, nous avons initié une stratégie de remplacement, le moment venu, de tout le personnel. A commencer par les chefs de service. L’objectif est de ne pas permettre qu’il y ait une chaîne.

Comment expliquez-vous cette propension des Burundais à vouloir à tout prix posséder un document de voyage ?

Nous ne pouvons que saluer ce désir de s’ouvrir sur le monde extérieur. Je pense que les raisons sont beaucoup plus d’ordre professionnel. Au Soudan du Sud, j’entends qu’il y a des motards, des taxis-vélos, des maçons qui exportent leur expertise. Idem en Afrique du Sud, en Zambie ou à Dubaï où l’esprit entrepreneurial est évolué.
Je pense que les récents accords du gouvernement avec les gouvernements du Golfe y seraient également pour quelque chose. Peut-être aussi que les gens se disent qu’il vaut mieux en posséder un vu qu’il a une validité de 10 ans.

Quid des guichets uniques?

Plus aucune raison de voir des gens de province faire le déplacement jusqu’à Bujumbura, payant des tickets de transport inutilement. Désormais, ils peuvent faire toutes les procédures de demande à partir des chefs-lieux de 10 provinces (Cibitoke, Bubanza, Mwaro, Rutana, Makamba, Bururi, Kayanza, Muyinga, Ruyigi et Gitega) dans lesquels se trouvent ces guichets uniques. La bonne chose est qu’actuellement les gens commencent à prendre conscience des facilités qu’ils offrent.
Propos recueillis par Hervé Mugisha:
https://www.iwacu-burundi.org/interview-exclusive-avec-le-commissaire-ge...

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