jui
04
2018

Le développement rural à l’honneur

La Délégation de l’Union européenne au Burundi a organisé une table ronde sur le développement rural au Burundi mercredi le 27 juin 2018 à l’Institut Français du Burundi. Quatre (4) thèmes ont fait objet d’échanges et de discussions.

1. Foncier : les défis d’un pays densément peuplé

2. Les effets des changements climatiques sur l’agriculture et les mesures d’atténuation

3. Les organisations paysannes dans le développement national

4. La rentabilité de l’agriculture : vrai ou faux débat

Il s’agit d’une initiative s’inscrivant dans le cadre d’un partenariat que l’Union européenne (UE) et l’Institut Français du Burundi (IFB) ont conclu au courant du mois de juin pour célébrer les 40 ans de présence de l’UE au Burundi. «Dans le cadre du lancement de notre partenariat, nous avons opté pour une discussion sur une thématique d’une importance particulière pour le Burundi et sa population, notamment le développement rural, son état des lieux, ses défis et ses perspectives » a déclare Patrick Dupont, le chargé d’affaires a.i de la Délégation de l’Union européenne.

Les partenaires au développement prêtent main forte au développement rural

Jean-Marie Bibara, chargé de programme développement rural, sécurité alimentaire et nutrition à la Délégation de l’UE précise que cette organisation appuie le développement rural et la sécurité alimentaire  à travers plusieurs types d’appui dont le plus important est le Fonds Européen pour le Développement (FED). Celui-ci s’inscrit dans les orientations définies par et avec le gouvernement du Burundi. Les fonds sont gérés par l’Ordonnateur National (Ministre des Finances, du Budget et de la Coopération) appuyé par la Cellule d’Appui à l’Ordonnateur National du FED qui est la CELON.

Depuis le début de la coopération il y a 40 ans, plusieurs projets et programmes  ont été financés par l’U E. Il est revenu sur quelques programmes phares qui ont marqué la coopération depuis les années 2000. Il a parlé entre autre du Programme  de Relance économique du Burundi (PREBU) d’un montant de 57 millions d’euros. Le programme concernait la réhabilitation des infrastructures détruites pendant la crise mais aussi la relance du secteur agricole », indique-t-il.

Un autre programme, signale M. Bibara,  est le Stabex ou Fond de stabilisation des recettes d’exportation sur les produits agricoles. « Ce fond a appuyé dans la réhabilitation et la relance des filières d’exportation comme la filière café, coton, palmier à huile, thé et la filière horticole. Le montant alloué à ce fond était de 58 millions d’euros », renseigne-t-il.

Ce programme, ajoute M. Bibara a appuyé la production des cultures vivrières et la formation de tous les moniteurs agricoles qui venaient d’être recrutés. Il a pris fin en 2009.

M. Bibara cite également le Programme Post-Conflit de Développement Rural (PPCDR) pour un montant de 71.6 millions d’euros et spécialement ses deux composantes liées au développement rural pour un montant d’environ 19 millions d’euros. La première composante a mis en place les outils et les conditions pour améliorer la sécurité alimentaire dans les provinces de Kirundo, Muyinga, Cankuzo, Ruyigi et Rutana avec notamment l’aménagement des marais et des bassins versants, l’appui au stockage et à la conservation, la diversification des productions, le repeuplement en cheptel, la stimulation des activités de transformation de valorisation et de commercialisation.

La deuxième composante concernait le renforcement des capacités des institutions publiques et des acteurs du monde rural (cadre d’appui aux DPAE, renforcement des capacités et structuration des organisations de producteurs, appuis à des filières, élaboration de SPAT, contribution à la mise en place du Système d’Information sur la sécurité alimentaire et les Prix des produits agricoles et appui au Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage notamment la Direction des Statistiques et Informations Agricoles).

A cela s’ajoute l’intervention de 8 millions d’euros à travers le « Programme Sécurité Alimentaire et Nutrition au Burundi (PRO-SA-NUT) » et celle d’un montant de 18 millions d’euros à travers l’ « Initiative OMD de l’UE – Accélérer l’atteinte de l’OMD 1c pour le Burundi à l’horizon 2015 »- PROPAO. Ajoutons à cela la mesure d’appui à la résilience en cours de contractualisation pour un montant de 38 millions d’euros.

Ce sont là quelques exemples des projets et programmes  phares qui ont marqué cette période  (40 ans de présence de U E au Burundi) sinon d’autres financements sur d’autres types d’appuis notamment sur les lignes budgétaires ont marqué et marquent encore la coopération entre l’UE et le Burundi dans le secteur de Développement Rural», annonce-t-il.

Sur le volet foncier, renchérit M. Bibara, deux programmes ont été financés par l’UE, à savoir le Programme d’Appui à la Bonne Gouvernance avec une composante dédiée à l’appui dans le domaine foncier. Ce projet a permis l’: Introduction des certificats fonciers délivrés par les services fonciers communaux tel que recommandé par le Code foncier;

– l’installation des services fonciers communaux dans 14 communes des provinces de Gitega et Karusi;

– la protection du patrimoine public par un enregistrement au cadastre de 25.500 hectares de terres domaniales;

– la gestion informatisée des archives du Service des titres fonciers.

Quant au Projet d’amélioration de la Gestion et de la Gouvernance Foncière (PAGGF) mis en œuvre par la GIZ pour un montant de 5, 5 millions d’euros, il a pour objectif le recensement des terres domaniales en intégrant une meilleure prise en compte dans la résolution des conflits; le soutien aux  aspects de médiation et de la résolution des conflits ainsi que certains volets juridiques de la mise en œuvre de la réforme foncière et enfin la mise en place d’une feuille de route pour une approche nationale de sécurisation foncière systématique. En parallèle un support technique et financier est maintenu pour certains services fonciers communaux. Ce projet va couvrir 115 communes pour plus de 172 .500 hectares de terres domaniales.

« La deuxième source de financements est constituée par les lignes budgétaires pour ne citer que ceux-ci », conclut-t-il.

Selon Jean Ndimubandi, Dr Ir agronome, panéliste et professeur à l’Université du Burundi, le Burundi est un petit pays enclavé d’Afrique dont la population est estimée à plus de 11 millions d’habitants. Sa superficie est de 2,35 millions d’hectares potentiellement exploitable.

La densité du pays est assez élevée, informe-t-il. Le Dr Ndimubandi indique que les spéculations agricoles représentent 40 à 56 % du PIB avec 86 % des recettes d’exploitation. Celles-ci contribuent à 95 % pour ce qui est de l’offre alimentaire.

Le secteur agricole est caractérisé, selon Dr Ir Ndimubandi, par une agriculture de subsistance. Ce qui signifie l’autoconsommation, l’auto-équipement, l’auto-prélèvement et l’auto-approvisionnement.

« Le taux d’urbanisation est très faible (12,1%). La population urbaine reste principalement concentrée sur Bujumbura » rappelle-t-il. Il fait remarquer que la population vit majoritairement de l’agriculture de subsistance, soit 87%. Ce qui fait qu’elle exerce une très forte pression sur les ressources naturelles.

D’après lui, le secteur agricole est le premier contributeur de l’économie burundaise. Cependant, il rassure qu’à lui seul il ne pourra pas contribuer significativement au développement du pays.

« La pérennisation des interventions entreprises ces dernières années de ce qui est convenu d’appeler paquet technologique  se heurte à des difficultés techniques et institutionnelles », signale-t-il.

Une autre difficulté que le Dr Ir Ndimubandi évoque réside dans la pertinence et la fermeté du lien de causalité qui existe entre les approches et les instruments potentiellement utiles qui sont appliqués, d’une part, et le résultat obtenu en matière d’innovation, d’autre part. En d’autres termes, martèle-t-il, l’issue et la direction d’un processus d’innovation ne dépend pas seulement des approches employées, mais aussi du cadre politique, fiscal et commercial.

La terre, centre du développement rural

« Dans un pays où 9 personnes sur 10 vivent de l’agriculture et de l’élevage, il est évident que la ressource terre devient rare », explique Camille Munezero, panéliste et chargé de l’assurance qualité au Land and Development Center (LADEC).

Pour lui, la rareté et le morcellement des terres conjugués à la détérioration de l’environnement, posent un sérieux défi pour nourrir la population et contribue en grande partie à alimenter des disputes liées à la propriété de la terre. Il est estimé que 60% des crimes commis au Burundi sont liés à conflits fonciers et 84% des jugements en attente dans les tribunaux ont trait à des litiges fonciers. En plus, affirme-t-il, la terre est un élément déterminant de l’identité communautaire et de l’attachement familial. Cette caractéristique se rajoute à sa rareté et exacerbe la crise foncière surtout avec les déplacements des populations suite à l’instabilité politique.

Nécessité de limiter les effets négatifs des changements climatiques

« Depuis 2015, il est estimé que 4 millions de personnes sont affectées par les aléas climatiques », informe Gérard Rusuku, Dr Ir agronome, panéliste et professeur à l’Université du Burundi.

Il témoigne que sur l’ensemble du territoire, les paysans  n’ont pas les connaissances techniques nécessaires et les ressources appropriées qui leur permettraient d’atténuer les effets des changements climatiques.

Et de continuer : « Depuis les années 1990, plus de 40% de la couverture forestière a disparu, aggravant ainsi les conditions climatiques ».

Restructuration des Organisations Paysannes (OP)

Déogratias  Niyonkuru, conseiller aux dynamiques sociales et économiques et panéliste fait savoir qu’au Burundi, au moins 20 % de la population fait partie des organisations paysannes (OP).

Pourtant, regrette-t-il, il y a très peu d’OPs de qualité suite à la superposition des lois. D’ailleurs, continue-t-il, ces organisations sont gérées par un statut flou dénommé coopérative. « Mieux conçues, les OPs constituent un atout important pour améliorer la production agricole et les chaînes de valeur », renchérit-il.

Le potentiel est là

Patrice Ndimanya, Dr agroéconomiste, panéliste et professeur à l’Université du Burundi dit que le taux de chômage avoisinerait les 50% chez les moins de 30 ans. Or, confirme-t-il, le sous-emploi et le chômage des jeunes constituent également des facteurs de migration et de délinquance, exacerbant les risques de conflits.

« Par contre, le chômage de jeunes peut être un facteur de déblocage de la production agricole. Il suffit de promouvoir les filières novatrices et attractives », insiste-t-il.

Très intéressés, les intervenants dans le débat ont déploré le fait que les institutions publiques n’ont pas été représentées. De leur côté, les étudiants en master de différentes filières sont satisfaits car le débat va les inspirer dans leurs travaux de fin d’études universitaires.

Pour terminer sachez que dans le cadre de la célébration de 40 ans de présence de l’UE au Burundi une collaboration entre la délégation de l’UE  au Burundi et l’IFB a été initiée pour organiser une série d’événements culturels, informatifs, ouverts et interactifs. Ceux-ci auront lieu à Bujumbura et à l’intérieur du pays. Tous ces rendez-vous gratuits s’adressent à un large public et sont conçus comme des espaces de dialogue à travers l’art, la culture et la connaissance.

burundi-eco.com

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