avr
25
2016

Le groupe de presse IWACU lance une nouvelle collection sur les témoignages

Ce jeudi 28 avril, dans la prestigieuse Université de Montréal au Canada, les Editions Iwacu lancent la collection « Témoins ». A la veille de ce lancement, Antoine Kaburahe s’est entretenu avec le journaliste Abbas Mbazumutima. Pour le directeur du Groupe de Presse Iwacu, lui-même écrivain, cette nouvelle collection est une bonne opportunité offerte aux Burundais qui veulent partager leurs témoignages. Entretien.

« Témoins ». Pourquoi ce titre pour cette nouvelle collection des Editions Iwacu?

Les Editions Iwacu ont déjà publié plusieurs ouvrages. Je citeraisl’enquête du journaliste belge Guy Poppe sur l’assassinat du Prince Louis Rwagasore, la traduction du Petit Prince d’Antoine de Saint Exupéry en Kirundima compilation des éditoriaux parus dans Iwacu. Mais « Témoins » se veut une collection spéciale. Elle est ouverte à tous ceux qui ont une expérience solide à partager. Un témoignage fort.

Qu’est-ce qui vous a motivé pour lancer cette collection au sein des Editions Iwacu ?

Tout d’abord, je trouve qu’il y a très peu de documents sur le Burundi, même l’histoire récente. Au cours de ma carrière, j’ai rencontré plusieurs personnalités, certaines qui ont occupé des postes importants, qui affirment que le temps est venu pour elles de s’exprimer en prenant de la distance afin de dire ce qu’elles ont fait ou voulu faire, ce qu’elles ont vu, ce qu’elles ont entendu, bref, témoigner. Mais tous disent combien il est difficile d’être édité. Cette collection vient donc combler cette lacune.

Mais vous n’empiétez pas sur le travail de la Commission Vérité et Réconciliation ?

Au contraire ! Vous savez, la vérité est plurielle. Un tel champ d’études ne peut être abordé qu’en travaillant de manière collective et multidisciplinaire. L’humilité s’impose. La vérité, si vous me permettez l’image, est une sorte du puzzle que l’on construit. À travers la collection « Témoins », Iwacu apporte des pièces à ce puzzle. Ces témoignages, libres, peuvent donc être de précieuses sources pour la CVR.

Qui peut publier dans cette collection ?

Notre approche est plus globale. Au terme du projet « Médias, mémoire, Histoire » mis en œuvre depuis 2010, nous avons constaté le large succès des nombreuses productions audiovisuelles et écrites réalisées. Les Editions Iwacu ont donc programmé le lancement de plusieurs collections. Un comité éditorial a été mis en place qui compte des personnalités de renom comme le professeur André Guichaoua ou encore Frère Emmanuel Ntakarutimana.

La collection « Témoins » est ouverte à tout le monde. Comme dans toutes les maisons d’édition, le manuscrit reçu est lu, évalué par un comité de lecture. Commence alors un va-et-vient entre l’auteur et les relecteurs. Parfois, il faut travailler les textes, suggérer des corrections, voire reprendre le plan ou des chapitres. Bref, l’ouvrage doit répondre aux standards habituels d’une maison édition exigeante quels que soient les publics. L’édition est un travail de longue haleine, mais exaltant.

Vous démarrez la collection « Témoins » avec deux livres, « Le Commandant Martin Ndayahoze, un Visionnaire » de Rose Karambizi Ndayahoze, et « Mémoires d’un diplomate » de l’ Ambassadeur Cyprien Mbonimpa. Pourquoi ce choix ?

Le livre de Rose Karambizi Ndayahoze m’a séduit dès la première lecture. Rose Karambizi a compilé les écrits de son mari, le Commandant Ndayahoze, assassiné en 1972. Cet officier, comme le titre l’indique, était un visionnaire. Dans ses écrits, notamment ses éditoriaux, alors qu’il était ministre de l’information. Martin Ndayahoze prévenait le président Micombero sur le danger des manipulations ethniques. Dans un éditorial lu à la radio le 25 novembre 1968 par exemple, il tirait la sonnette d’alarme et dénonçait le tribalisme, le « sous-développement politique », la « République monarchique ». Il fustigeait « les maîtres de la démagogie délirante », « le militantisme des applaudissements ». Il faut dire qu’à l’époque du parti unique, dans un pays qui vouait un culte de la personnalité au président Micombero, cette prise de position était très courageuse.Et son message reste toujours d’actualité.

Certains l’ont présenté comme un « militant tribaliste »…

Il fallait bien sûr justifier son assassinat. Mais dans tous ses écrits, et c’est l’intérêt de ce livre, Martin Ndayahoze prônait l’unité entre les Hutu et les Tutsi. Il faut aussi voir dans quelles conditions il a été arrêté. Le 30 avril 1972, il est appelé par son supérieur, car « il y a des problèmes ». S’il se reprochait quelque chose, il aurait tenté de fuir. Mais il s’est rendu lui-même au camp militaire, le cœur tranquille. Puis, plus rien. C’est la dernière fois que son épouse, Rose Karambizi, l’a vu.

Justement, un mot sur l’auteure, Mme Ndayahoze

Je suis heureux de la rencontrer à Montréal à l’occasion de la sortie de ce livre. On se connaît à travers nos échanges et au téléphone. Cette femme a souffert. Rwandaise, Tutsi, son mari est tué par « ses frères ethniques ». Le régime va tout lui prendre.

En quelques jours, elle se retrouve à la rue, sans rien. Elle est expulsée de sa maison avec trois enfants en bas âge. « J’étais pris entre deux extrêmes, pour les Tutsi, j’étais celle qui avait épousé un « Umumenja » et pour les Hutu, j’étais de l’ethnie de ceux qui tuaient les Hutu, me dira t-elle au téléphone. » Mais malgré la douleur, toujours intacte, elle reste digne et ne nourrit pas de sentiment de vengeance. Je suis heureux de publier son témoignage et les écrits de son mari.

Quid du livre de l’Ambassadeur Mbonimpa ?

C’est autre chose. Fonctionnaire, ambassadeur à Bruxelles et Paris, puis ministre des Relations extérieures, Monsieur Mbonimpa vit et témoigne quasi en direct les événements les plus marquants. A travers son itinéraire personnel, ce sont tous les événements politiques du Burundi depuis au moins 1965 qui sont visités.

Pourquoi son témoignage est-il intéressant ?

Comme Ambassadeur, puis comme ministre des Affaires étrangères, M. Mbonimpa a été au cœur du pouvoir pendant près de vingt ans. Il raconte de l’intérieur le régime du président Bagaza, la genèse et l’éclatement du conflit entre l’Eglise catholique et le président Bagaza. Son analyse est très instructive sur la dérive d’un homme qui avait bien commencé, mais qui , à la fin de son règne, était devenu méfiant, très solitaire.

M. Mbonimpa a servi également le président Buyoya

Oui, avant de tomber en disgrâce et d’être emprisonné, il a défendu avec force et une certaine efficacité le régime surtout après la tragédie de Ntega-Marangara. Mais accusé de complot, il va connaître la prison, l’humiliation. Avec modestie, et j’ai trouvé cela admirable, M. Mbonimpa reconnaît les erreurs de gestion de certaines crises vécues au Burundi et tire les leçons qui pourraient servir à ceux qui gèrent ou ambitionnent de gérer les affaires publiques. Un livre à lire absolument.

A votre avis, quel accueil sera réservé à ces deux ouvrages ?

Ces deux livres inaugurent une nouvelle collection qui vient à point nommé. Partout, dans les rencontres, les colloques, les conférences, les Burundais disent leur envie de connaître leur passé. Car c’est ce passé tragique qui nous hante et empoisonne notre présent et compromet notre futur. Les manipulations politiques et ethniques profitent justement de ce « blackout » sur notre passé. On ne peut pas construire l’avenir sans connaître, reconnaître et accepter son passé. « Avant de tourner une page il faut la lire », disait Desmond Tutu. Écrire, éditer, c’est notre contribution à ce devoir de vérité et de mémoire.

Par Antoine Kaburahe - Fondateur et Directeur des publicatons de Iwacu

Les Editions Iwacu ont le plaisir d’inviter la communauté burundaise de Montréal et tous ceux qui sont intéressés au lancement de la collection « Témoins » en présence de l’ auteure, Mme Rose Karambizi Ndayahoze et l’éditeur, Antoine Kaburahe.

Le livre sera disponible à la vente (15 dollars canadiens) et l’auteure dédicacera l’ouvrage.

Date : jeudi 28 avril, de 18 heures à 20 heures

Lieu : Université de Montréal, Pavillon Marie-Victorin, 90, Vincent d’Indy Montréal, Québec (Métro Edouard Montpetit.)

Salle D-550.

Vous pouvez déjà réserver votre livre auprès de Mme Karambizi

E-mail : rosekarambizi@yahoo.com

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