aoû
07
2022

L’EAC réussira-t-elle là où la MONUSCO a échoué ?

Des forces de la MONUSCO viennent de se heurter aux manifestations des nord-kivutiens alors qu’ils entraient à Kasindi sur le territoire ougando-congolaise. Quelques jours plus tôt, le ministère de la défense du Burundi avait annoncé un contingent prêt à 90% pour intervenir au compte de la force régionale de l’EAC.

La fusillade a eu lieu dimanche 31 juillet dans le territoire de Beni, à Kasindi sur la frontière entre l’Ouganda et le Congo. Elle a fait deux morts et une dizaine de blessés. Rentrant de congé, les casques bleus de la MONUSCO se sont heurtés à une masse de manifestants. Ils auraient commencé à tirer « pour se frayer un chemin », rapporte la BBC.
De violentes protestations contre la MONUSCO avaient eu lieu une semaine avant, faisant une vingtaine de morts selon toujours la BBC. Les manifestations faites dans la région de Goma étaient pour le départ de cette mission onusienne dans la région. Les locaux de la MONUSCO avaient même été vandalisés.

Plusieurs déclarations s’en sont suivies, condamnant cette attaque du 25 juillet dernier contre les locaux de la MONUSCO et faisant appel au calme de la population.
« La MONUSCO n’a aucun autre agenda en République démocratique du Congo, si ce n’est que le rétablissement de la paix. Il ne faut pas croire les manipulateurs, ils risquent d’atteindre leur objectif et c’est contreproductif pour tous », a déclaré le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU a.i. en RDC en date du 28 juillet.
Présente en RDC depuis 1999, la MONUSCO compte plus de 10000 Casques bleus sur le territoire congolais et sont accusés par les Congolais de ne pas être à mesure de restaurer la sécurité dans l’est de la RDC depuis toutes ces années.
Après l’incident de Kasindi, la RDC a suspendu tous les casques bleus impliqués dans cette fusillade avant que Bintou Keita, représentante de la mission onusienne en RDC, confirme l’arrestation de ces derniers.

Une force régionale de la Communauté est-africaine
Disparu depuis les années 2013, le mouvement rebelle M23 a refait surface au début de cette année attisant ainsi les tensions dans la province du Nord-Kivu, mais également au sein de l’EAC.
Kinshasa, récemment accueilli dans l’EAC accuse Kigali d’avoir une alliance avec ce mouvement rebelle, qualifié par certains médias et par les milieux de la population nord-kivutiens de « Tutsi ».

Les affrontements créent un conflit régional, la population congolaise s’attaque à maintes reprises aux Rwandais sur leur territoire. Des visites entre chefs d’Etat de la sous-région se succèdent.
Le troisième conclave de Nairobi sommet est vite organisé par Uhuru Kenyatta, président sortant de l’EAC, lundi 21 juin, sommet durant lequel, les chefs d’Etat de cette communauté se sont convenus de créer une force régionale pour neutraliser les groupes armés sévissant en RDC.

Mardi 26 juin, lors d’un point de presse sur les réalisations de son ministère pour le quatrième trimestre de l’année budgétaire 2021-2022, le ministre burundais Défense, Alain Tribert Mutabazi, annoncé qu’un contingent burundais était à 90% des préparatifs pour intervenir en RDC pour le compte de la force régionale de l’EAC.

Des enjeux dans une sous-région…
La force régionale des Etats de la Communauté est-africaine intervient dans un contexte plutôt tendu entre pays, mais aussi et surtout entre la RDC et ses pairs de l’EAC.

Le Burundi devrait combattre aux côtés des autres pays de la sous-région dans l’est de la RDC alors que des conflits opposent le Burundi et un membre de ladite communauté. Malgré des efforts fournis depuis l’arrivée du gouvernement Ndayishimiye, les relations entre Kigali et Gitega ne sont toujours pas au beau fixe. Gitega ne cesse de plaider la remise des réfugiés burundais impliqués dans le coup d’Etat du 13 mai 2015, condition sine qua non pour la rouverture de la frontière burundo-rwandaise comme signe de réconciliation entre les deux pays.

Le gouvernement de Félix Tshisekedi, quant à lui, accuse celui de Paul Kagame d’être la tête et le cœur du mouvement rebelle M23 qui fait des morts et des blessés dans la province du Nord-Kivu depuis plusieurs années maintenant. Des allégations formellement niées par Kigali.
Le Rwanda a soutenu les rebelles du M23. C’est l’une des conclusions d’un rapport d’experts mandatés par l’ONU dévoilé, jeudi 4 août, par l’AFP.
De son côté, la société civile congolaise fait part d’une présence officieuse des militaires burundais dans le Sud-Kivu. Ce que l’ONG Initiative pour les Droits Humains au Burundi(IDHB) confirme.

L’IDHB parle d’une incursion militaire burundaise, dont la mission serait de combattre les groupes armés contre le gouvernement de Gitega, dont le Red-Tabara, mais également certains autres groupements comme les Maï-Maï Kijangala.
Depuis plusieurs années maintenant, des rapports de la société civile ont parlé de la présence des mouvements rebelles associés aux pays de la sous-région comme le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda dans l’est de la RDC.

« Une fausse réponse pour éviter de traiter un vrai problème »
Thierry Vircoulon, coordonnateur de l’Observatoire de l’Afrique centrale et australe de l’IFRI, observe depuis plusieurs années la situation politique dans la région. Il doute de l’efficacité de cette force à l’est de la RDC.

Pourquoi cet acharnement de la population contre la MONUSCO censée venir en aide aux FARDC pour défaire les groupes rebelles sévissant à l’est de la RDC?
La MONUSCO est le bouc-émissaire parfait, car :
Primo, elle est inefficace, c’est-à-dire qu’elle n’est plus capable de remplir son mandat depuis des années comme l’a montré la longue série des massacres de civils dans l’est de la RDC et son absence de proposition de sortie du conflit congolais depuis 2012.

Secundo, elle incarne pour les Kivutiens la duplicité du Conseil de Sécurité de l’ONU qui maintient au nom de la paix une force de plus de 10 000 hommes, mais se désintéresse complètement du conflit congolais. Ce dernier n’a plus été à l’origine d’aucune initiative depuis la précédente crise du M23 en 2012/13.
Tertio, la classe politico-militaire congolaise se défausse de ses responsabilités sur la MONUSCO en l’accusant de ne pas résoudre le conflit et de ne pas restaurer la sécurité dans l’est de la RDC.

Une force régionale va être mise en place par l’EAC pour combattre les groupes armés dans l’est de la RDC, un commentaire ?
Le M23 étant soutenu par le Rwanda, la formation de cette force régionale équivaut à la formation d’une coalition anti-Rwanda au sein de l’EAC. De plus, si cette force est demandée par le gouvernement congolais, elle est rejetée par de nombreux Kivutiens, y compris dans les services de sécurité.

La force de l’EAC pourrait-elle être la solution miracle pour la sécurité dans l’est de la RDC ?
Les jeux d’alliances entre les groupes armés au Kivu et les pays voisins, qui durent depuis des années, vont être exacerbés dans cette situation et chacun risque d’avoir en effet ses propres « cibles » dans le maquis des groupes armés. Une fois de plus, les gouvernements de la région, RDC compris, privilégient une réponse militaire pour un problème de gouvernance. Ils choisissent une fausse réponse pour éviter de traiter un vrai problème : celui de la corruption généralisée des régimes.

Ne risque-t-elle pas de se heurter à l’hostilité de la population dans ce contexte anti-présence étrangère ?

La force régionale est déjà perçue avec une grande suspicion par les Kivutiens. Le souvenir difficile et cruel de la présence des armées de leurs voisins rwandais, ougandais et burundais est encore très vivace et de nombreuses interprétations sur les vraies intentions de cette force circulent déjà dans l’est de la RDC. Le discours sur la volonté de balkaniser la RDC fait toujours recette dans la population congolaise qui se perçoit très souvent comme une victime de complots ourdis de l’étranger.
https://www.iwacu-burundi.org/leac-reussira-t-elle-la-ou-la-monusco-a-ec...

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