déc
08
2015

Les enjeux des consultations entre le Burundi et l'Union Européenne

Bruxelles -  Ce mardi à Bruxelles, l’Union Européenne et le gouvernement burundais vont entamer des consultations sur les atteintes à la démocratie au Burundi sous l’égide de l’article 96 de l’Accord de Cotonou signé en 2000 entre l’UE et les pays ACP, une procédure qui est susceptible de conduire à la suspension de l’aide européenne lorsque « une partie considère que l'autre manque à une obligation découlant du respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'État de droit ».

Malgré quelques atermoiements, les autorités burundaises ont donc répondu positivement à l’invitation que l’UE leur avait soumise le 26 octobre dernier en proposant des consultations dont le but principal est « de rechercher une solution acceptable pour les parties, à travers l'identification des mesures à prendre afin de remédier au non-respect de l'accord ».

« Pas moins de six ministres burundais ont prévu de faire le déplacement à Bruxelles », a révélé l’agence Belga. « C'est le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Alain Aimé Nyamitwe, qui emmènera cette délégation, composée de dix-huit personnes », dont « les ministres de l'Intérieur et de la Formation patriotique, de la Justice, des Finances, du Budget et de la Privatisation, des Droits de la Personne humaine, des Affaires sociales et du Genre. Le sixième est le ministre à la Présidence chargé de la Bonne gouvernance et du Plan, Pascal Barandagije. La délégation compte aussi un militaire, le colonel Ignace Sibomana, issu du service des renseignements militaires, et un député, Joseph Ntakarutimana, membre du parti du président Pierre Nkunrunziza, le Conseil national pour la Défense de la Démocratie-Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD) ».

« Plus de 25 consultations de ce genre ont été lancé dans le passé », a rappelé un haut fonctionnaire de l’UE, « le Burundi est le dernier en date et l’unique pays actuellement soumis à cet exercice parmi les 79 pays ACP ».  L’application de l’article 96 est l’aboutissement d’une séquence politique qui, suite à l’aggravation de la situation à l’approche des élections législatives et présidentielles de l’été 2015 au Burundi, a convaincu l’UE de la nécessité d’intensifier le dialogue politique conformément à l’article 8 de l’Accord de Cotonou. « Etant donné que cet article n’a pas produit les résultats escomptés », souligne ce haut fonctionnaire, le Conseil de l’UE – qui est l'organe institutionnel exécutif de l’UE et représente les intérêts des 28 Etats Membres – a approuvé la proposition de la Commission européenne d’activer l’article 96.

« Les consultations prévues mardi à Bruxelles ne sont pas une discussion politique », précise cette source, « mais une discussion sur des questions très concrètes ». Au menu : la situation des médias, de la liberté de la presse et des journalistes burundais ; les espaces d’expression et la sécurité des acteurs de la société civile, toujours plus menacés par le régime burundais ; les cas extrajudiciaires ; et le désarmement. L’UE et le Burundi ne seront pas les seuls acteurs présents autour de la table. La réunion prévoit en effet la présence des observateurs suivants : l’UA, l’EAC et l’ONU (sur invitation de l’Union Européenne), ainsi que la Tanzanie, l’Afrique du Sud et, à confirmer, l’Ouganda (sur invitation du Burundi); enfin, le Secrétaire Générale du Groupe des Etats ACP, Patrick Gomes.

Concrètement, l’UE s’attend à ce que la délégation fournisse une feuille de route qui prévoit l’adoption de mesures précises afin de remédier au non-respect de l'accord de Cotonou, dans le cas burundais il s’agit de violations des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'État de droit. « Dans tous les cas, le dialogue au titre de la procédure de consultation ne dure pas plus de 120 jours », peut-on lire dans l’article 96 de l’accord de Cotonou. « Si les consultations ne conduisent pas à une solution acceptable par les parties, en cas de refus de consultation ou en cas d’urgence particulière, des mesures appropriées peuvent être prises. Ces mesures sont levées dès que les raisons qui les ont motivées disparaissent »

Avant meme le lancement des consultations, la tension à Bruxelles est palpable. Hier, le journaliste de Vox Africa, Datcha Ribeiro, a signalé sur son compte Twitter que lors de la 30ème session de l'Assemblée Parlementaire Paritaire UE-ACP qui est en cours au Parlement européen, des députés de certains pays africains, dont la Tanzanie, ont refusé d'adopter une résolution commune contre les dérives du pouvoir au Burundi. Quelques jours plutôt, le deuxième vice-président de l'Assemblée Nationale burundaise, Anicet Nyiongabo, avait qualifié l'avant projet de la proposition de l'UE sur les consultations "de document influencé par les médias sociaux". 

Entre 2000 et 2015, l'UE a investi globalement plus de deux milliards d'euros (environ 4 000 milliards de BIF) en soutien des efforts burundais. Pour la période 2014-2020, l’UE a par ailleurs signé avec le Burundi un Programme national indicatif dont le budget est de 432 millions d’euros, le double par rapport au Programme précédent (2007-2013). Des projets pour un montant global de 55 millions d’euros avaient déjà été approuvés en 2014 dans les secteurs de l’énergie et de la gouvernance, dont 8 millions pour les élections, mais suite au climat de violence qui s’est instauré dans le pays, ces fonds ont été en partie suspendus. 

L'avenir des relations entre l'UE et le Burundi dépendra donc de la feuille de route que présentera aujourd'hui le gouvernement. Si l'UE la retiendra positive, un mécanisme de suivi sera mis en place pour mesurer - point par point - sa mise en oeuvre. « Dans le cas contraire »,  a déclaré hier à Infos Grands Lacs Cécile Kyenge, vice-présidente de l'Assemblée Parlementaire Paritaire UE-ACP, « Nkurunziza et son gouvernement devront assumer leurs décisions, au détriment d’une société burundaise qui a déjà beaucoup trop souffert ». En d'autres termes, le risque d'un retrait plus substantiel de l'aide européenne et de ses Etats membres.  

Pour en savoir plus: http://eeas.europa.eu/burundi/news/index_fr.htm