mar
18
2019

Ngozi/Nyamurenza : Les militants du CNL malmenés

Intimidés, quelquefois passés à tabac, leurs maisons vandalisées… Les membres du Congrès national pour la liberté (CNL), de la commune Nyamurenza en province Ngozi sont désemparés. Ils dénoncent les agressions des Imbonerakure. L’administration communale les appelle à porter plainte.

Les agressions remontent, selon les témoignages, à juin 2018 avec le scrutin référendaire. Sur plusieurs collines de la zone Birambi en commune Nyamurenza, le Non remporte. Les Imbonerakure sont fâchés.

Dès lors, ils surveillent, empêchent tout rassemblement à deux ou plus, des membres de la Coalition Amizero y’Abarundi. « Même dans une conversation, vous vous voyez encerclés par des dizaines d’Imbonerakure qui vous accusent de tenir une réunion illégale ».

Ces violences atteignent leur paroxysme, poursuivent ces sources, dans la soirée du jeudi 7 mars 2019. Sur la colline Shoza, des militants du CNL se font arrêter un à un entre 19h et 21h.

Peu nombreux, les Imbonerakure de Shoza ont invité ceux des collines voisines « pour corriger des récalcitrants ». « Ils étaient des centaines, venus des collines Kigina, Nyabikenke et Rurama », raconte Isaïe Miburo, une victime. Il s’exprime difficilement, marquant de temps en temps des pauses. « J’ai beaucoup souffert au niveau des côtes ».

En cette soirée, Frédéric Hatungimana, Ferdinand Uwizeye, Gorgo Minani, Uwizeyimana alias Gasongo et Isaie Miburo, tous des militants du CNL, sont sévèrement tabassés.

Sous le choc des coups de gourdins, ces deux premiers resteront, pendant deux jours, presque paralysés. « Ils ne pouvaient pas se lever. Ils sont restés à la maison, couchés sur leurs lits jusqu’à samedi », indique Tharcisse Ntahompagaze, le représentant du CNL dans la zone Birambi.

Samedi : Plus d’une dizaine de ménages attaqués

La nuit du 9 mars, ces Imbonerakure retournent à l’attaque. Ils sont munis de gourdins et de grosses pierres. Différents ménages des militants du CNL sont en ligne de mire. Plus d’une dizaine de maisons seront vandalisées cette nuit.

Le spectacle est effroyable, lundi 11 mars. Des portes défoncées, des fenêtres aux vitres caillassées. Des toitures abîmées, perforées, etc. « Ce samedi-là, j’ai pensé à une pluie de grêle », se rappelle M. Miburo. Sur les tôles de sa maison, construite il y a deux ans, des pierres de différents calibres sont toujours visibles. Plusieurs toitures ont été trouées par les jets.

« Je ne vois pas. Je ne comprends pas, je me demande si la commune Nyamurenza est un territoire à part entière. Nous sommes comme abandonnés. Ce qui se fait dans notre commune ne se fait nulle part ailleurs au Burundi », lâche-t-il, en bégayant.

Sur cette attaque, l’explication de Tharcisse Ntahompagaze est claire et limpide. Voix rauque (conséquence des cris lancés samedi en appelant au secours), il affirme qu’ « ils avaient l’objectif de tuer certains de nos membres, en commençant par moi-même, pour faire taire toute opinion contraire à la leur ».

« La prochaine fois, nous n’allons pas nous laisser battre »

Il s’en tient aux propos tenus, samedi 2 mars, par ces Imbonerakure. « Ils nous avaient arrêtés, moi et deux autres Inyankamugayo (appellation des militants du CNL, NDLR), et conduits à la police de la commune, nous accusant de tenir une réunion illégale. Mais après interrogatoire, faute d’élément matériel, le chef de poste nous a relâchés », témoigne-t-il, avant de poursuivre : « Devant cet échec cuisant, les Imbonerakure ont alors juré, publiquement, qu’ils doivent  »enlever » au moins l’un d’entre nous pour servir d’exemple. »

Sous anonymat, une autre victime, accuse un certain Gabriel alias commissaire, et un certain Désiré, des responsables des Imbonerakure à Shoza, d’être des instigateurs de ces violences. « Il faut que leur parti les rappelle à l’ordre ; sinon nous n’allons pas nous laisser battre. La prochaine fois ce sera un affrontement ».

Toutes les victimes interrogées dénoncent « l’inaction de l’administration communale » face aux plaintes qui lui sont sans cesse soumises.

Rurama, Shoza, Kigina et Nyabikenke, telles sont « les collines les plus touchées par l’intolérance politique », selon Jean Paul Manirakiza, représentant du CNL en commune Nyamurenza. « Les Imbonerakure identifient et menacent nos militants ainsi que tout autre individu dont l’obédience politique n’est pas officiellement connue ». Il demande à l’administration communale d’agir vite pour rétablir la situation.

Les victimes appelées à porter plainte

Interrogé, Jean Gaston Kwizera, président du parti CNDD-FDD, a renvoyé la balle dans le camp des militants du CNL. Depuis l’agrément de leur parti, soutient-il, ils ont développé un langage agressif. « Nous estimons que leurs représentants les auraient plutôt instruits à semer le désordre ». Il indique qu’ils se sont comportés en dirigeants du pays.

Pour lui, les agressions des Imbonerakure contre les Inyankamugayo seraient juste des rumeurs. « Les représentants de ces derniers ne m’en ont jamais parlé ». Il exhorte les militants des différentes formations politiques à la tolérance.

Même son de cloche du côté de l’administration communale. « Je considère ces informations comme des rumeurs », réagit Dieudonné Niyonzima, administrateur. « Personne, qu’il soit du CNDD-FDD ou du CNL, n’est venu jusqu’à présent se plaindre chez moi ».

L’administratif reconnaît qu’il est au courant des affrontements, mais dit qu’ « aucune victime n’est venue porter plainte ». « Dans l’administration, nous entendons beaucoup de choses. Des cas de vols, de prostitution, etc. Mais nous attendons toujours que ceux qui sont lésés viennent porter plainte ». Et d’inviter quiconque serait menacé de lui soumettre ses doléances. « Nous sommes toujours disponibles pour trancher, apporter des solutions aux problèmes », dit-il, avant de conclure : « La population doit avoir cette habitude. Les organes administratifs sont là pour ça. »

 

Par iwacu-burundi.org

 

 

Langues: 
Thématiques: 

Partager