sep
02
2019

Un cessez-le-feu viable ?

Une semaine après le « cessez-le-feu » adopté par les leaders des partis politiques et les gouverneurs, des réunions se multiplient pour faire barrage à l’intolérance politique. Mais l’accalmie n’est pas totale comme en témoignent les échauffourées de la colline Burenza.

Une personne a succombé à ses blessures, 8 autres ont été blessées dans des échauffourées qui ont éclaté à la colline Burenza, en commune de Mubimbi de la province de Bujumbura. La bagarre a opposé des membres du CNL aux Imbonerakure.

Les membres du CNL armés de machettes et de gourdins ont pris le dessus. Serge Nsengiyumva du groupe du parti Cndd-Fdd a reçu des coups de machette qui lui ont été fatals. Dépêché à Bujumbura, ses amis l’ont conduit à la structure sanitaire Médecins Sans Frontières qui n’a pas pu gérer le cas, selon un des amis. Ils l’ont acheminé vers l’hôpital Militaire qui n’avait plus de place et l’a finalement transféré à l’hôpital Roi Khaled. « Là, il a bénéficié des premiers soins. Le cas toujours difficile à gérer, Serges Nsengiyumva a été transféré à Kira Hospital pour des examens approfondis avant son retour vers le Roi Khaled où il a fini par rendre l’âme », indique Prosper Niyongabo, un voisin de la victime. Parmi les huit blessés, sept sont également des Imbonerakure et un du CNL.

Nous sommes arrivés sur les lieux, deux jours après les échauffourées, la localité paraît calme. Le centre n’est pas encore très animé. « Pour ça il faut attendre 17 heures, » indiquent des jeunes garçons rencontrés sur les lieux. Des enfants accompagnent leurs sœurs plus âgées en train de puiser de l’eau.

Burenza cache pourtant très mal la tension qui y plane. Juste à côté du centre de santé Ineza, les vestiges d’un commerce réduit en cendres. « Là, il y avait une maison en bois avec trois pièces, un salon de coiffure, une boutique et une sorte de petit dépôt de bière. La maison a été détruite quelques minutes après les échauffourées, » témoigne un habitant proche du lieu de l’incendie.

Même si tous s’accordent pour dire qu’il s’agit d’un « incendie criminel », les hypothèses sur les auteurs du crime sont nombreuses.

Les membres du parti CNL parlent de « vengeance des Imbonerakure après leur défaite dans la bagarre ».

Une hypothèse rejetée par le chef de colline, Léopold Bigirimana qui indique que deux des trois pièces incendiées appartenaient à deux Imbonerakure.

Ses soupçons portent plutôt sur un militant du CNL, Claver Nzeyimana arrêté une machette à la main. « Il était accompagné par quatre militaires qui étaient très remontés contre les Imbonerakure du comité mixte de sécurité, les accusant de tous les maux. Je dis ça, je ne dis rien, mais un des militaires s’est faufilé vers les lieux de l’incendie juste avant que la maison ne prenne feu. Attendons voir ce que diront les enquêtes. »

La police est arrivée sur les lieux et a embarqué tous ceux qui étaient mêlés à la bagarre. « Ils n’ont pas fait le tri et les ont embarqués tous, membres du CNL et du Cndd-Fdd, » a indiqué un témoin.

Difficile de dire combien croupissent actuellement dans les cachots de la zone de Mageyo. Trois personnes arrêtées ont été acheminées à Bujumbura par le commissaire de police provincial qui a fait le déplacement, selon les dires des habitants.

La tension est loin d’être apaisée. Mardi 27 août, une autre bagarre probablement consécutive à celle du dimanche a éclaté. Malgré les appels au calme, la pilule ne passe pas. Des jeunes du parti au pouvoir veulent venger leur ami mort.

Le parti CNL a évoqué deux blessés dans son camp qui ont été embarqués ce mercredi par la police pour des raisons d’enquêtes. Thérence Manirambona, porte-parole du parti CNL appelle les militants des partis politiques à respecter les appels au calme lancés par leur hiérarchie.

Intolérance politique : vers une désescalade?

Jeudi 22 août, une rencontre organisée par le Premier vice-président de la République réunit les leaders des partis politiques, et les gouverneurs de province. Un seul point à l’ordre du jour : l’intolérance politique. L’heure est grave. « C’est sur injonction du président Nkurunziza,» dira le premier vice-président, Gaston Sindimwo.



Durant cette réunion, tout le monde s’accorde à dire que l’intolérance politique frise la violence : permanences vandalisées, attaques, riposte disproportionnée, arrestation pour motif politique. Les photos des personnes tuées et d’autres blessées commencent à s’accumuler. Il faut faire quelque chose pour éviter l’embrasement à quelques mois des élections.



Le diagnostic posé, l’idée d’un cessez-le-feu d’un mois est émise par le patron du parti au pouvoir. Evariste Ndayishimiye appelle à des actions concrètes durant ce mois pour apaiser la situation. Il taxe les gouverneurs qui se laissent influencer par les responsables des partis au niveau provincial de démissionnaires. « En période électorale, les administratifs démissionnent et prennent la casquette de militants du parti. Il faut qu’ils aient à l’esprit qu’ils doivent gouverner pour tous. Sinon ils seront accusés de haute trahison. »



Pour le secrétaire général du parti Cndd-Fdd, les administratifs tout comme les responsables politiques devraient se désolidariser avec ceux qui commettent des délits et jettent l’opprobre au sein du parti. « Dans un mois retrouvons nous ici pour une évaluation. D’ici-là, chaque gouverneur aura rencontré les administrateurs qui à leur tour communiqueront aux chefs de secteur. Ceux qui n’auront pas lutté contre l’impunité d’une façon exemplaire seront démis de leur fonction, toute affaire cessante. » Des recommandations adoptées par toute l’assemblée présente.



Une semaine après l’annonce, le parti au pouvoir, déclare que mardi 27 août, une réunion a été organisée à l’intention des responsables du parti Cndd-Fdd au niveau provincial ainsi que les gouverneurs de province. L’objectif de cette réunion était d’adopter des mécanismes pour communiquer le mot d’ordre et mettre en place des stratégies pour lutter contre l’intolérance politique. Selon la commissaire chargée de l’information au sein de ce parti, Nancy Ninette Mutoni, la décision reste la même : multiplier les réunions avec les administratifs à la base et les responsables locaux du parti et lutter contre l’impunité au sein du parti et de l’administration.



Des gouverneurs commencent déjà à se mobiliser. Ce mercredi, le gouverneur de Gitega a réuni dans sa province les leaders des partis politiques et les administratifs à la base. De même que celui de Ngozi.



Si on est encore loin d’une accalmie générale comme en témoigne la tension qui règne sur la colline de Burenza, il n’en demeure pas moins que la semaine a été beaucoup plus marquée par des réunions et des discours d’apaisement.



Une chose est sûre, s’il faut juger l’influence du secrétaire général du parti au pouvoir, c’est maintenant. L’évolution de la situation sur terrain après son discours fort sera un bon test pour savoir si Evariste Ndayishimiye est l’homme de la situation. Il sera intéressant de voir si les administratifs (en majorité du Cndd-Fdd), les Imbonerakure et leurs responsables vont rentrer dans les rangs. Nous verrons, dans un mois, à l’heure du bilan promis, si les têtes « des démissionnaires » vont tomber.

www.iwacu-burundi.org

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